Cœur fidèle de Jean Epstein
Le ciel et l'eau brûlent (book in French)
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Book Presentation:
Film des amours au bord de l'eau, Cœur fidèle, un des premiers chefs-d'œuvre de Jean Epstein, est caractéristique de la grande école française des années 20. Y apparaissent des thèmes, des lieux, une esthétique, qui se retrouvent chez Gance, Dulac, Delluc, L'Herbier ou Renoir. Resté dans l'histoire du cinéma par sa fameuse séquence de la fête foraine, au montage rapide, ce film déploie d'autres mouvements et figures. Le flou, la surimpression, les déformations sont autant de manifestations d'une matière-cinéma plastique et visuelle qu'Epstein résuma sous le nom de «photogénie». Fortement photogénique donc ou cinégénique, tel est bel et bien le monde créé dans ce film, décrit et parcouru dans cet ouvrage qui en constitue comme la cartographie. L'auteur fusionne ici avec Epstein, sa vision enflammée du cinéma (titrant cet essai «Le ciel et l'eau brûlent»). Où la poétique est une physique : surfaces, matières, mouvements, plis, vitesses. Non sans lyrisme. Prosper Hillairet a participé à la revue expérimentale Melba, ainsi qu'à Ciné Doc, consacré aux avant-gardes, et à la rétrospective «Paris vu par le cinéma d'avant-garde» en 1985. Il a publié les Ecrits sur le cinéma de Germaine Dulac, collabore à la revue Zeuxis, et enseigne le cinéma des années 20 à l'université Paris 8. Il réalise, avec Nicolas Droin, une série de films sur Paris, Lignes ; il mène une suite d'entretiens vidéo avec l'historien Alain Virmaux.
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Prosper Hillairet a participé à la revue expérimentale Melba, ainsi qu'à Ciné Doc, consacré aux avant-gardes, et à la rétrospective "Paris vu par le cinéma d'avant-garde" en 1985. Il a publié les Ecrits sur le cinéma de Germaine Dulac, collabore à la revue Zeuxis, et enseigne le cinéma des années 20 à l'université Paris 8. Il réalise, avec Nicolas Droin, une série de films sur Paris, Lignes ; il mène une suite d'entretiens vidéo avec l'historien Alain Virmaux.
Excerpt:
Roman / Photo
«Ainsi l'anecdote doit être ; mais comme l'objectif bégaie dès qu'elle y touche, elle doit être invisible, sous-entendue, exprimée ni par un texte, ni par une image : entre.»
Jean Epstein, 1922
A peine commencé : une main enlève une soucoupe, reste d'un repas, du dessus d'une table, portée hors champ, puis enlève le verre, puis jette le mégot. La table maculée. Comme un tableau d'abstraction lyrique. Puis la main passe le torchon, efface les traces et les taches sur la table, dripping à l'envers, ou wiping. Puis un visage. De femme, de face, cadré serré, yeux grands ouverts. Immobile. Puis la main revient, range le verre dans un bac, près des bouteilles, sur le bar. Puis déplace la bouteille, puis essuie. À nouveau le visage, cadre élargi, toujours les yeux ouverts, fixes, bouche fermée. Puis la main, du vin versé dans un verre, tenu par une autre main. Puis, cadre large, la femme versant le vin à un client assis à la table d'un café.
À peine commencé : déjà le style d'Epstein s'expose. Détails, fragments, gestes, objets : main, soucoupe, verre, mégot, table, visage, bouteille. Un corps découpé, réduit à main/visage, des gestes simples : enlever, jeter, essuyer, verser. Où la figure humaine n'a pas la primauté sur les objets. Fragments, gestes, avant toute situation d'ensemble. Tout le cinéma d'Epstein.
Une femme, Marie : «Marie était une enfant trouvée...» Serveuse dans un café, rabrouée par son patron parce que pas assez rapide avec les clients, moquée par la patronne. Le patron, la patronne : le père et la mère Hochon.
Marie, la rêveuse. Elle va à la porte, et plonge, floue, dans sa rêverie, face au port. De la porte, les bateaux pris dans la brume. Le port, grues, chargement, un tas de gravats, poussière. Un camion plein de ces gravats à l'aller, en surimpression avec lui-même, vide au retour. Des détritus flottant à la surface d'une eau noire. En surimpression toujours, le visage de Marie revient, tourne la tête, un voile d'effroi dans le regard, et à travers la vitre de la porte, cadré par le montant, un homme approche, le port au loin. Marie, de face, elle aussi à travers la vitre, amorce un mouvement de recul, une plus grande tristesse encore et de la peur, des ombres glissent en reflet sur la vitre.
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