Peau d'Âne
de Jacques Demy (book in French)
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J’ai choisi comme titre « réalisme et merveilleux », et non « réalisme merveilleux », pour éviter de calquer ma formulation sur « réalisme poétique » – expression qui, sauf lorsque quelqu’un le note en passant, renvoie officiellement à une école et à un genre bien connus, alors même qu’il y a là une incontestable contradiction dans les termes. En recourant ici au terme « merveilleux », je me réfère à un genre littéraire auquel appartiennent les contes de Perrault, et que l’on distingue traditionnellement du « fantastique ». Ici, des événements surnaturels se produisent grâce à des puissances magiques (la principale étant celle de la Fée), mais comme inscrites naturellement, sans heurt, dans la réalité. (Tous les films de Jacques Demy – ou presque – peuvent d’ailleurs être considérés comme des contes de fées réalistes.) François Truffaut disait ne pas aimer les dessins animés parce que « tout y (était) possible ». Sans doute affirmait-il ainsi sa nécessité personnelle de ne se mouvoir que sur le terrain du réalisme. Mais ici : si dans un conte tout est possible d’un coup de baguette magique, qu’en est-il au cinéma ? Avec quels moyens ? Dans quelles limites ? Quid, d’autre part, de l’adaptation d’un conte, chez un cinéaste que l’on peut également taxer de « réaliste » ? Jacques Demy adapte de façon très scrupuleuse un conte lui-même très réaliste, les principales licences de Jacques Demy ayant trait au personnage de la Fée : quelque magiques que puissent être certains événements de Peau d’Âne, le conte et le film donnent de la réalité du dix-septième siècle, et principalement de sa réalité sociale, une vision juste. On y apprend par exemple que, dans le royaume du père du Prince, on trouve encore des souillons qui vivent et travaillent dans de véritables porcheries, et qu’il convient de remédier à cela. La Princesse n’est pas seulement revêtue d’une peau métaphorique, quelle qu’ait été la nature particulière de l’âne-banquier: elle pue, c’est dit crûment dans le film (même chez les rois), et sa puanteur donne même lieu à un évanouissement. Toutes les classes sociales sont représentées, exemplairement dans la scène de l’essayage de l’anneau, puisque toutes les filles du royaume (mais « pas les garçons » – légère licence ironique que se permet Demy par rapport au conte) y sont invitées. De même, avec la métairie où travaille Peau d’Âne, on a l’impression, un peu irritante d’abord, de voir une de ces images que l’on a tant vues dès qu’un film se situe avant notre siècle : une sorte de cliché, d’image d’Épinal ou d’image-SFP, tant les films réalisés avec cette instance nous ont montré maintes fois les mêmes chevaux, les mêmes figurants dans les mêmes postures (parfois totalement irréalistes de maladresse). (Serge Daney notait qu’il avait fallu Bresson et Lancelot du Lac pour que l’on découvre au cinéma que l’on pouvait parcourir des kilomètres et des kilomètres sans rencontrer personne, alors que tous les films sur le Moyen Âge grouillent de monde.) Or il n’en est rien : ce que l’on voit à l’image ne relève que de la fidélité au récit, où l’on peut noter, entre autres choses, la présence de l’« auge aux cochons » ou celle des valets dont la Princesse était « la butte ordinaire de tous leurs quolibets et de tous leurs bons mots ». De même Jacques Demy garde-t-il, à propos de la robe couleur du temps, le sens que le mot « Temps » avait chez Perrault et plus largement au dix-septième siècle : un beau ciel légèrement chargé de clairs nuages. De même, lorsque les médecins, après avoir examiné le Prince, rendent leur verdict (« maladie d’amour »), il ne s’agit absolument pas d’une fantaisie : la maladie d’amour faisait partie des maladies répertoriées par l’Université au dix-septième siècle, et des remèdes – parmi eux, le mariage – étaient même préconisés. Un détail enfin souligne le désir de réalisme de Jacques Demy : lorsque (séq. 15) la Fée confie sa baguette à la Princesse, elle n’omet pas de préciser qu’elle en a une autre dans son domaine, et demande à la Princesse de la lui prêter un instant, juste pour disparaître. Mais sans doute le trait le plus évident du souci de réalisme de Jacques Demy est-il le gros plan des mains essayant l’anneau, seul plan systématiquement et longuement répété. Une séquence, peu réussie à mes yeux, pose très précisément la question du « Tout est possible », et fait figure de symptôme : celle, onirique, où l’on voit le Prince et la Princesse se permettre « tout ce qui est interdit ». L’inventaire de « tout ce qui est interdit » (pure invention de Jacques Demy) semble bien mince, bien pauvre (se gaver de pâtisseries, entre autres choses). On me répliquera qu’il s’agit là de rêves d’enfants. Cela n’en témoigne pas moins, à mes yeux, de la difficulté de Jacques Demy à ouvrir toutes grandes les portes de la fantaisie, comme s’il lui fallait toujours des limites à l’intérieur desquelles il se meuve aisément. Le réalisme serait alors un garde-fou contre les excès de la fantasy (de l’imagination ou du fantasme).
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