Princess Bride
de Rob Reiner (book in French)
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Book Presentation:
En haut des falaises de la démence, dans un superbe décor visiblement dressé tout exprès pour permettre l’étourdissante fantaisie du duel qui va suivre, Inigo prend son temps pour raconter à Westley l’histoire de sa vie. S’il travaille pour Vizzini, « c’est pour payer les factures. Ça ne rapporte pas grand-chose, la vengeance ». Les confidences terminées, chacun reprend sa place, comme deux travailleurs après la pause, pour nous offrir ce que nous attendions : trois minutes de duel éblouissant où la légèreté des propos n’a d’égale que celle des corps qui tourbillonnent et pirouettent, ou celle des armes qui voltigent et restent à l’occasion suspendues en l’air. Le charme de Princess Bride, pour moi, réside dans ce refus résolu de la pesanteur en même temps que dans l’élégance souveraine avec laquelle scénariste et réalisateur installent une distance narquoise qui moque gentiment les conventionsen même temps qu’elle joue de leur charme. Distance des personnages vis-à-vis de leurs « emplois », distance d’un couple narrateur vis-à-vis d’une histoire racontée, distance des auteurs du film par rapport au matériau mis en œuvre, distance enfin imposée au spectateur d’un film dont on lui propose de goûter au premier degré la saveur d’aventures en même temps qu’on l’invite à s’en détacher pour en reconnaître les modèles.
Conventions reconnues
La distance, c’est celle d’abord qu’introduit l’impression de trop-plein laissée par le film, et le goût de pastiche qui l’accompagne. Pastiche en forme d’hommage affectueux et non de parodie ni de caricature. Nous ne sommes ni chez Mel Brooks ni chez les Monty Python et les cinéastes ont choisi de s’amuser avec les conventions plutôt qu’à leurs dépens. Mais comment ne pas sourire de cette boulimie scénaristique qui mêle joyeusement les ingrédients de quinze films pour en réussir l’improbable synthèse ? Deux duels dignes des plus beaux films de cape et d’épée, un couple d’amoureux de conte de fées, un pirate masqué aussi séduisant que Zorro, des marais de feu qui appartiennent à l’univers du merveilleux, une salle des tortures dans la tradition décorative des grands films d’horreur, un trio d’aventuriers parfaitement picaresques et, pour couronner le tout, un couple de sorciers querelleurs qu’on croirait égarés de quelque comédie yiddish. C’est beaucoup. Ce serait trop si le film ne venait nous rappeler constamment que rien de tout cela n’est à prendre au premier degré. Que si l’on peut jouer ainsi avec cette accumulation de conventions, c’est que le spectateur d’aujourd’hui, justement, les reconnaît comme conventions. La source constante de Princess Bride, c’est le cinéma d’aventures hollywoodien classique, mais un cinéma classique revisité par un regard moderne qui en savoure tous les charmes en même temps qu’il s’amuse à en démonter les rouages. Princess Bride, en ce sens, participe du même travail de relecture des grands genres du cinéma américain qui nous a donné aussi New York New York de Scorsese (pour la comédie musicale), Draculade Coppola (pour le film fantastique), Impitoyable d’Eastwood (pour le western), Chinatown d’Huston (pour le film noir) ou Blade Runner de Ridley Scott (pour la science-fiction). Cette convention qui nourrit tout le film est si totalement assumée que les personnages eux-mêmes semblent en être conscients et commentent leurs propres activités sur le ton détaché de celui qui sait bien qu’il n’est après tout qu’un des participants d’un vaste jeu de rôles. Qu’on pense seulement à l’extravagant échange d’Humperdinck et Rugen quand celui-ci propose au prince de venir le voir torturer Westley :
— Écoutez, vous savez combien j’aime vous voir travailler, mais j’ai à préparer le cinq centième anniversaire de mon pays, mon mariage à organiser, ma femme à tuer et Guilder à faire accuser. Je suis vraiment débordé !
— Alors reposez-vous. Lorsqu’on n’a plus la santé, on n’a plus grand-chose.
Comme Inigo et Westley faisant la pause avant de se battre, comme Vizzini détournant l’attention de Westley avec la malice maladroite du bambin qui joue à cache-cache avec un adulte, ils s’appliquent avec conscience à être ces personnages tout d’une pièce qu’on attend d’eux, mais laissent un geste inattendu, une réplique insolite nier l’homogénéité de leurs personnages, souligner l’énormité de ce que le récit exige d’eux et empêcher le spectateur de s’abandonner tout à fait au plaisir d’y croire au profit de celui, plus subtil, de s’émerveiller d’y avoir presque cru.
Simplification raffinée à l’extrême
C’est dans ce « presque » qu’est tout le secret du film. Autrement dit dans le délicat travail de décalage opéré à tous ses niveaux par le réalisateur et le scénariste et dont la conscience par le spectateur impose celle, préalable, de la norme dont on s’écarte. D’où l’intérêt de travailler sur des genres particulièrement bien codés : le conte merveilleux, le film de cape et d’épée, le cinéma fantastique classique, le récit picaresque, dont la confusion ici proposée menace déjà la cohérence. De part et d’autre d’Humperdinck s’adressant à la foule depuis son balcon, Rugen, le fourbe archétypique des films de cape et d’épée, et le vieux roi débonnaire droit sorti d’un conte de fées n’appartiennent pas plus au même univers, fût-il de fiction, que les marais de feu et les ruines du duel, que le duel lui-même et le combat avec le rat géant. D’où la simplification extrême de personnages qui se doivent d’être crédibles une rapière à la main aussi bien que dans une foule pseudo-médiévale ou dans un univers de fantaisie héroïque, parfaitement illustrée par la stylisation de costumes : on serait bien en peine de les dater tant s’y mêlent les conventions contradictoires, exemplairement résolues dans le costume de Pirate noir de Westley qui ne fait appel à aucun repère identifiable de lieu ni d’époque et n’est plus que pure expression d’un monde de fiction qui ne doit rien qu’au cinéma.
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