Le Magicien d'Oz
de Victor Fleming (book in French)
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Book Presentation:
Pendant très longtemps, Le Magicien d’Oz a participé du mythe que se sont construit les États-Unis : à peine un an aprèsla sortie du film, dans The Philadelphia Story de Cukor, James Stewart chante « Over the Rainbow » en prenant ses désirs pour des réalités alors qu’il porte Katharine Hepburn dans ses bras comme une jeune mariée… Certes, à la sortie en salles, le film perd un million de dollars mais très vite, tous les ans, Le Magicien d’Oz est diffusé pour les fêtes de Noël et, à l’inverse, rapporte de considérables bénéfices. On imagine comment, en devenant une référence commune, ce film a pu, pendant des décennies, toucher les imaginaires enfantins et adultes. Plus tard, la société américaine ébranlée par les soubresauts d’une nouvelle crise ne se reconnaît plus de la même manière dans cette féerie: un tournant est pris lorsque, dans Sailor et Lula de David Lynch, deux jeunes en cavale – non plus devant la fureur criminelle d’une sorcière mais celle d’une mère ! – voient leur amour sauvé par la fée du film de 1939. En effet, en 1990, la Bonne Sorcière apparaît dans un costume très proche de celui du film de Fleming, mais devant des loubards de banlieue et son intervention salvatrice est soulignée par un des derniers lieders de Strauss et une chanson d’amour du grand Elvis : à la joliesse de la référence au Magicien d’Oz s’ajoutent la mélancolie du compositeur du Chevalier à la rose et celle du grand King, signe que l’époque n’admet plus la couleur dragée. On ne saurait mieux signifier combien, en cette fin de siècle, il faut d’énergie pour croire aux contes de fées. Mais, pour que ce film ait autant marqué les États-Unis, et, par l’intermédiaire de son cinéma exporté, le monde occidental, il faut bien qu’il ait touché juste et que la vision du monde proposée puisse susciter l’identification de millions de spectateurs.
Une petite fille américaine
Après tout, Dorothy est une petite fille du Kansas profond qui a connu un monde merveilleux et dont le plus grand désir est de revenir au sein de sa famille. Quoi de plus rassurant comme morale ? Il n’est pas étonnant que les fêtes de Noël aux États-Unis aient été soudées dans la communion autour de ce film : Home, sweet Home ! Vu sous cet angle, Le Magicien d’Oz est une œuvre portée par une bonne conscience moralisatrice : surtout, que nos chérubins n’aillent pas de par le monde, voir si, hors des États-Unis, d’autres vivent, sont heureux ou souffrent différemment… Il faut dire que Dorothy répète plusieurs fois, dans la dernière scène au pays d’Oz : « Il n’y a rien de mieux qu’un chez soi. » Au fait, aurait-elle besoin de s’en convaincre ? Cela étant, dans le même temps, le film dépasse la « sagesse » de cette morale convenue, et, comme les contes de fées, propose de plus résistantes nourritures à l’imaginaire : le parcours initiatique de cette petite fille n’a pas été aussi insignifiant que voudrait le laisser conclure le ton simplificateur et rassurant du happy end. Reprenons : soit Dorothy, une petite fille américaine, qui n’a pas la vie facile. Orpheline, elle est entourée de l’affection débordée de ses oncle et tante ; en fuite, elle doit s’affronter à des puissances bénéfiques et maléfiques et trouve secours auprès de ses vrais amis, son chien et les adultes qu’elle côtoyait déjà sur terre, les trois ouvriers agricoles. C’est bien là que le film est plus complexe que ne le laisse penser son dénouement : les trois « hommes » qui, littéralement, accompagnent Dorothy dans son parcours initiatique, ne lui proposent pas comme modèle d’identification des adultes taillés dans le bronze mais bien plutôt des êtres fragiles et susceptibles, eux aussi, de perfectionnement. Ce qui n’est pas dénué d’intérêt : la quête de soi n’est donc pas réservée aux enfants et les adultes ne sont pas érigés en parangon de sagesse (ou de méchanceté, ce qui serait tout aussi peu nuancé et conforterait la même vision du monde). Le personnage qui incarne la Loi ne rassure pas plus. Le « magicien » qui devrait être l’homme du savoir absolu présente une figure paternelle sans véritable force, sans véritable message puisqu’il est sans voix. En effet, dans la séquence 28, on le voit dans toute sa faiblesse quand le rideau relevé démasque sa supercherie : pour faire peur, il avait recours à des moyens participant plus du domaine du spectacle que de la conviction communément attribuée à celui qui profère la Loi… Déjà obligé d’amplifier sa voix par des prothèses techniques, il en est réduit à balbutier quand sa supercherie est découverte et la perte de toute voix crédible ne lui laisse plus qu’une fragilité un peu pitoyable.
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