Porco Rosso de Hayao Miyazaki
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Description de l'ouvrage :
Porco Rosso est la création d’un monde utopique, de fable, de graphisme et de mouvement, déguisé en film d’aventures classique, photographique, au réalisme comportemental à l’hollywoodienne. Il exprime les exactes tensions qu’on trouve à l’œuvre dans tous les projets colossaux que sont les dessins animés de long métrage. Tandis que les courts métrages sont, dans le champ de l’animation, la part libérée des contraintes, le lieu privilégié de l’invention et de l’art (en dehors du phénomène commercial des séries, qui représente, quant à lui, la partie la plus prisonnière), les longs métrages sont des entreprises risquées et pleines d’entraves, surtout d’entraves à la liberté créatrice. De ce point de vue, Porco Rosso s’en tire avec un relatif bonheur, et cela est probablement dû au fonctionnement du studio Ghibli, et, en général, à la carrière indépendante qu’a menée Hayao Miyazaki à l’intérieur de l’industrie moderne du dessin animé japonais. Il apparaît que la conscience claire des contraintes liées au métrage a contribué à façonner le film, ce que l’on peut appeler, en première analyse, son scénario. En ce sens, Porco Rosso est l’histoire d’un pilote affublé d’une tête de porc, conçue à l’intérieur d’une entreprise à visage humain. Au-delà et en deçà du scénario et des contraintes de fabrication, nous allons nous intéresser à la manière dont ce film invente, et construit sur ses bases une mythologie, à la fois originale et « gratuite » dans son invention, comme toutes les vraies mythologies, en même temps que dépendante de la forme qu’elle s’est choisie ou qui l’a choisie : le dessin et l’animation.
In illo tempore
« En ce temps-là… » : ainsi commencent les contes. Ainsi s’insinue Porco Rosso dans notre mémoire. Car c’est d’un film sur la nostalgie qu’il s’agit. Celle-ci est portée explicitement par le personnage de Gina. D’une part parce qu’elle chante Le Temps des cerises, une chanson que l’on peut tenir pour l’élégie du romantisme révolutionnaire, dans laquelle se mêlent les regrets des amours passées et ceux de la Commune de Paris, elle-même mélange du rêve d’un communisme utopique et de la réalité d’une société historiquement réalisée, proposition contradictoire proche de l’ordre du conte, et reprise par la création de l’univers de Porco Rosso. D’autre part par ses mouvements doux, sa voix mesurée, son rôle maternel de protectrice des grands enfants, son caractère idéaliste d’amoureuse transie, et sa manière de collectionner les photos et les souvenirs de sa jeunesse. Personnage qui n’existait pas dans la première mouture de l’histoire de Porco Rosso, Gina n’est que l’alter ego, le dédoublement féminin de Marco Pagotto, ravagé lui aussi, peut-être même jusque dans son corps, par la nostalgie ou, du moins, par le souvenir, « la griffe » du passé (pour reprendre le titre français d’une œuvre de Jacques Tourneur.) Avant même la caractérisation du personnage de Gina, c’est toute l’histoire qui est, à l’origine, empreinte d’une nostalgie qu’on pourrait qualifier d’« antiquaire», attirée par le passé, comme les enfants ou les grands enfants peuvent collectionner les maquettes d’appareils attachés à un illo tempore très précis, à un autre temps et un autre lieu que celui de leur vie quotidienne. En témoigne sans ambiguïté le document essentiel que constitue la bande dessinée (le manga, doit-on dire pour être à la mode, puisqu’il s’agit d’une BD japonaise) de Hayao Miyazaki intitulée L’Ère des hydravions, parue ennovembre 1984, justement dans un magazine japonais de modélisme : Model Graphix. De fait, à l’exception d’un plan très bref de la séquence 18, il n’apparaît pas dans le film un seul appareil qui ne soit un hydravion de l’entre-deux-guerres : cela fonctionne comme une obsession constructive, une convention proprement fabulatoire, d’autant plus forte qu’elle s’insinue dans la perception du spectateur à proportion du réalisme historique et dessiné des machines. La mythologie qui se crée possède une couleur, ou plutôt une bannière tricolore – qui n’est pas exactement celle du drapeau italien, très présent, quant à lui, dans les décors: une mythologie bleu, blanc et rouge. Bleu idéal et altier pour l’addition ou la fusion de la mer et du ciel adriatiques (la Méditerranée est, du reste, le siège historique de nos mythologies antiques), blanc maternel – et peut-être couleur du neutre et de l’épuisement des contraires –, pour la Voix Lactée, les sillages blancs, l’écharpe de Porco claquant au vent et les nuages protecteurs, rouge politique et terrestre de l’avion et des cerises-gouttes de sang de la Commune, enfin.
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