L'homme qui rétrécit
de Jack Arnold
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Description de l'ouvrage :
On a coutume de tenir L’homme qui rétrécit pour un petit film, et Jack Arnold pour un petit maître. Ce n’est pas un mince compliment de la postérité que le propos même du film ait pu ainsi rejaillir sur sa perception critique. Je ne voudrais pas renverser totalement cette optique, car ce film doit probablement sa réussite à une parfaite proportion entre ses ambitions et les moyens de sa réalisation, qui sont ceux d’un film de la « série B » d’une grande compagnie (une Major : la Universal). Néanmoins, il apparaît nécessaire, pour jouir pleinement de ce très beau film, de considérer non pas sa petitesse, mais sa grandeur, non plus son humour noir ou, pire, son comique involontaire, mais sa réussite dramatique. Il lui sied mieux d’être pris au pied de la lettre que d’être apprécié nostalgiquement au « second degré ». La vraie découverte, en ce sens, est la fin du film. À première vue un finale discret, expédié pour boucler comme l’on peut, avec un peu de bavardage, une action qui doit s’arrêter, par convention, aux environs d’une heure vingt, et qui a décidé de ne pas impliquer de nouveaux décors, à une échelle microscopique cette fois-ci. En réalité une ouverture véritablement métaphysique, spirituelle, et pour cela profondément paradoxale pour un film et un protagoniste aussi englués dans le concret du matérialisme. Je vais donc essayer de montrer en quoi L’homme qui rétrécit, c’est surtout l’âme qui s’agrandit.
L’acharnement à exister
L’attrait principal du personnage de L’homme qui rétrécit, qui justifie qu’on puisse s’identifier à lui, malgré sa banalité et son absence de relief psychologique, c’est bien sûr son rôle de victime, mais, avant toute chose peut-être, sa vitalité, sa volonté de vivre et de résister. C’est là le lien le plus évident avec le roman originel, écrit par Richard Matheson, et dont il a lui-même tiré le scénario et les dialogues du film, très fidèlement sauf en ce qui concerne l’ultime interprétation. En italien, l’adaptation cinématographique d’une œuvre littéraire s’appelle une « réduction » (riduzione cinematografica), et c’est bien souvent ainsi que les écrivains considèrent ce travail ingrat et paradoxal. Le film contrebalance cet inévitable rétrécissement par deux procédés.
Premièrement, celui de la voix off qui raconte au passé l’histoire que nous voyons se dérouler à grands traits sous nos yeux. Ce commentaire en surplomb leste d’un poids dramatique les épisodes trop rapides d’une évolution physiologique en principe assez lente pour rester invisible à l’œil nu. La voix double le corps et conteste ses brusques écarts de taille. La voix présente de Robert Scott Carey diminue acoustiquement, de façon réaliste, au fur et à mesure que son corps rétrécit (sa femme doit tendre l’oreille à la séquence 18, la dernière fois qu’il parle à haute voix et communique avec un humain, en voix in), tandis que sa voix invisible off conserve la même hauteur sonore, le même son grave et la même autorité tout au long du film.
Deuxième procédé : un ajout en fin de parcours, discret parce que tenant en quelques phrases et quelques plans, mais essentiel, et qui trahit, en quelque sorte, la morale de la fable imaginée par le roman initial (voir, pour plus de détail, « Richard Matheson, le roman originel », dans Autour du film). Dans le roman, un suspense règne sur le dernier jour, celui où Robert Scott Carey sera parvenu à zéro centimètre. Par un coup de théâtre, tout de même un peu attendu par le lecteur, le bref chapitre conclusif retrouve le héros toujours vivant, prenant conscience que « pour la nature, il n’y avait pas de zéro ». Il s’apprête donc à vivre de nouvelles aventures dans le monde microscopique, à chercher à nouveau sa subsistance et imagine qu’il trouvera peut-être même une forme de vie intelligente dans ce nouveau « pays de merveilles ».
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