Les Yeux sans visage de Georges Franju
Poésie de l'effroi
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Description de l'ouvrage :
Souvent considéré comme l'unique film d'épouvante français, les Yeux sans visage raconte une effroyable histoire de visages volés et greffés. Mais sans l'habituel attirail de l'horreur : ni sang, ni cris, le docteur n'est pas fou et sa fille théâtralement masquée erre dans la maison, vêtue de féeriques robes moirées. Le quotidien se dérègle imperceptiblement, l'espace devient labyrinthique, les objets paraissent vivre, les voitures sont des personnages. Georges Franju crée un univers insolite où la peur rôde partout. Sous la fable d'épouvante, il est question d'autres choses. D'un père trop aimant, d'un ordre social étouffant. Et du cinéma lui-même, de son enfance, de sa capacité à terrifier, de ce qu'il fait des corps et des visages. Toutes les faces de Franju sont dans ces Yeux sans visage, le cinéphile archéologue, le révolté, le surréaliste... et surtout le poète, menant une méditation mélancolique sur le cinéma comme art du deuil, à partir du visage d'Edith Scob, sa muse. Pascale Risterucci est maître de conférences en cinéma à l'université Paris VIII et réalisatrice de films. Elle a publié des articles dans diverses revues (Art Press, l'Art du cinéma...), principalement consacrés au cinéma de l'étrange, et approchant le septième art comme «art monstre». Elle a dirigé, avec Marcos Uzal, l'ouvrage collectif Tod Browning, fameux inconnu (Corlet, 2007). Elle réalise actuellement un ensemble de films courts sur l'Australie, portrait mosaïque du continent.
À propos de l'auteur :
Pascale Risterucci est maître de conférences en cinéma à l'université Paris VIII et réalisatrice de films. Elle a publié des articles dans diverses revues (Art Press, l'Art du cinéma...), principalement consacrés au cinéma de l'étrange, et approchant le septième art comme "art monstre". Elle a dirigé, avec Marcos Uzal, l'ouvrage collectif Tod Browning, fameux inconnu (Corlet, 2007). Elle réalise actuellement un ensemble de films courts sur l'Australie, portrait mosaïque du continent.
Extrait :
Au professeur JAF.
Aux blondes Édith.
Identification d'un film
Si avec ça on ne fait pas de l'épouvante...
Par une nuit d'hiver, une 2 CV roule sur une route de campagne déserte. Au volant, une femme au visage inquiet, à l'arrière, un passager immobile, dont on n'aperçoit que le chapeau rabattu. De cette scène d'ouverture, Franju dit :
«Avec la 2 CV et tout l'attirail qu'il y a autour - ce plan nocturne, les yeux effrayés d'Alida Valli, la voiture suiveuse, la main gantée de noir sur le rétroviseur, dans lequel on voit un cadavre dans un costume d'homme qui bringuebale et tombe sur la banquette... si avec ça, on ne faisait pas de l'épouvante, alors il faudrait changer de métier !»
«Unique film d'horreur réalisé en France», «seul film d'épouvante français réussi», et seul à figurer dans diverses anthologies internationales du fantastique - genre où il a d'ailleurs quelques prolongements importants -, les Yeux sans visage occupe une place singulière dans le cinéma français, réputé peu porté sur ce registre.
Sorti en 1960, au moment du conflit entre un cinéma dit «de qualité française» et la jeune «Nouvelle Vague», le film se situe ailleurs, renouant avec une forme fantastique ancienne, mais à partir d'un réalisme du quotidien contemporain.
Il semble flotter dans l'histoire du cinéma comme son héroïne dans la demeure paternelle, isolé entre plusieurs temps, entre plusieurs vies, empruntant des visages successifs, pour s'échapper finalement sous la peau d'un masque vers une destination inconnue.
Mais Franju a raison : avec ça, on fait de l'épouvante, et le film ne manque pas d'archétypes du genre. Dans son intrigue : un honorable chirurgien, flanqué d'une mystérieuse assistante toute à sa dévotion, greffe en secret - et en vain - sur sa fille défigurée différents visages de jeunes femmes enlevées et séquestrées, avant de finir dévoré par ses molosses de laboratoire. Dans ses décors : la morgue, le cimetière où l'on transbahute des cadavres dans le caveau de famille, la maison/manoir isolée dans la campagne, avec en sous-sol l'espace monstrueux (la salle d'opération dans la cave, telle une salle de torture dans une crypte gothique), et en haut le refuge de l'innocence martyrisée (la chambre de la victime sous le toit, au plus près du ciel, comme pour s'échapper vers un monde meilleur)... l'enfer et l'aspiration au paradis, séparés par un réseau infini d'escaliers, de portes ouvrant sur des couloirs étouffants où se projettent des ombres inquiétantes. Dédale domestique hanté par la figure masquée de Christiane, tandis qu'aboient éternellement des chiens damnés, du fond des entrailles du bâtiment. À l'extérieur, c'est l'hiver, arbres dénudés et cris de corbeaux, jours blafards et longues nuits obscures... Toute la panoplie de l'horreur peut s'y trouver si on l'y cherche, y compris une scène de décollement chirurgical du visage.
Si un film d'épouvante - comme son nom l'indique - se définit par l'épreuve qu'il inflige à ses spectateurs, ce fut en effet le cas pour les Yeux sans visage. Ainsi lors d'une projection au festival d'Édimbourg en 1959, où sept spectateurs furent terrassés (d'un coup ?) par la vision du film - anecdote souvent racontée par Franju, non sans jubilation. La presse britannique s'affirma alors révulsée par «cet écœurant petit cauchemar», «proprement dégoûtant», cet «horrible spectacle» où «la France se déshonore»... Conclusion : «Allez vous-en, monsieur Franju !»
(...)
Voir le site internet de l'éditeur Yellow Now
Voir la fiche de Les Yeux sans visage sur le site IMDB ...
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Nota : Un livre sur fond légèrement grisé est un livre qui n'est plus actuellement édité ou qui peut être difficile à trouver en librairie. Le prix mentionné est celui de l'ouvrage à sa sortie, le prix sur le marché de l'occasion peut être très différent.