La prisonnière du désert
de John Ford
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Description de l'ouvrage :
Après plusieurs années de recherche acharnée Ethan retrouve Debbie, kidnappée par les Comanches, et la ramène chez les Jorgensen. Descendu de cheval, il prend Debbie dans ses bras et la dépose sur les planches de leur auvent. Le vieux couple l’aide à gagner l’intérieur en rasant de face la caméra. Ethan reste seul sur le seuil, s’écarte pour laisser passer Laurie et Martin. Il regarde le jeune couple réconcilié comme l’image d’un bonheur dont lui-même n’a jamais su saisir le moment. A-t-il trop idéalisé Martha, comme une femme au foyer ? Pourquoi son frère Aaron lui a-t-il soufflé Martha ? N’a-t-il pas su lui avouer sa passion ravageuse ? Questions sans réponses, trous noirs de l’histoire, connaissance perdue. Sa grande carcasse redouble le bord droit du cadre de la porte et remarque dans l’espace du plan le jeune couple. Il le consacre, en devient son premier témoin. Il voit Martin avec Laurie, il revoit Martha en Laurie. Mais Martin a pu s’enhardir pour voler Debbie sous le tipi de Scar. Il y a pire, Scar connut Martha et Debbie, il y a de quoi devenir fou… Muet, mélancolique, Ethan se retourne, pris dans son cadre, et s’en retourne, repris par le désert, indéfiniment. Il repart, sans être aimé quelque part. Étonnant effet de réel à cet instant. Ethan sort de lui-même et reste lui-même dans la sortie de lui-même. Le désert l’arrache à tout ce qui n’est pas d’une essence, le désert le réduit aux passions essentielles. Son effacement dans l’éternité matérielle d’un film est son apothéose. Il s’absorbe dans la fresque ocre d’un Mythe. Faut-il imaginer Ethan heureux ?
Il nous tourne le dos. La Prisonnière du désert s’arrête là. Cette œuvre n’est pas une révélation pour un au-delà, mais une direction pour notre gouverne en ce monde-ci. Martha/Laurie : pulsions. Deux mouvements identiques aux finalités contraires. Martha s’arrête dans son élan pour Ethan. Laurie court libre vers Martin. Elle s’engage sans retenue dans le champ dégagé du format Vista Vision. Martha/Laurie : reprises de dos par la caméra. L’une biffée (croix des bretelles dans son dos), l’autre blanche et ouverte. L’impulsion comprimée de Martha, pour qui un interdit endigue son mouvement à l’arrivée d’Ethan, se déplace et se libère avec Laurie qui bondit et franchit la rampe de la scène familiale, sort de son cadre en deux plans. Plus de frein au transport de son cœur. La beauté humaine éclate, se cristallise soudain dans un élan de vie de quelques secondes, dans ce film de Ford Laurie s’affranchit du temps de l’histoire à travers un espace maintenant réduit et à nouveau parcouru. Écrasée par le vide qui assiège sa maison Martha hallucine le retour d’Ethan et, de la fiction, le fait revenir à la vie. Ainsi naît la réalité de l’histoire avec Ethan perdu et retrouvé : sort précurseur de celui de Debbie, perdue, elle aussi, et retrouvée. Ils reviendront réunis. Jusqu’au clivage tragique de ce dernier plan fixe qui à la fin du film les fissure et les sépare à jamais. Debbie rentre, mais pas Ethan. Vacant, disponible, Ethan regagne la profondeur de champ qui l’avait vu poindre, mais cette fois il la remonte en sens inverse, errant dans un espace ouvert à une histoire sans fin. Il fut l’infatigable arpenteur qui traça les sillons de l’histoire. À nous, maintenant, de savoir écrire le scénario de l’Histoire. Ethan face à nous. Plus de retournement à 180° sur l’axe de la projection de son désir. Différence essentielle avec l’ouverture du film. Ethan entrait dans le décor de son rêve nostalgique de survivant de l’Histoire, le foyer des Edwards : épée en main, Ethan de guerre revient habiter un canevas brodé aux formes un peu mièvres d’une douce imagerie populaire. Deux éléments fondamentaux composent ce tableau. La longue tableau tour de laquelle se ressoude une famille pour le rituel des repas. Et l’âtre, pour un Ethan s’imaginant prendre son temps, brûlant nonchalamment des bûches dans la cheminée. Ethan s’est-il perdu dans l’illustration d’un livre des cérémonies édifiantes à l’imagerie de chromo ?
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