Improviser le cinéma
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Description de l'ouvrage :
Si l'improvisation est a priori associée aux arts de la performance, et en particulier au jazz, elle n'en a pas moins accompagné le cinéma depuis les premiers burlesques jusqu'aux expériences contemporaines de Rabah Ameur-Zaïmeche ou de Nobuhiro Suwa. Loin du mythe de l'improvisé comme expression du «génie créateur», le but de cet ouvrage est d'abord de comprendre les pratiques qui mettent sciemment en jeu l'improvisation au cinéma puis, dans un second temps, d'en révéler la capacité à générer des formes inédites. La diversité des films analysés témoigne à la fois de la permanence d'une «tentation» de l'improvisation depuis l'avènement du cinéma parlant et de la diversité des modalités de sa mise en œuvre. A la présence, sans doute attendue, du cinéma de Jean Renoir, Roberto Rossellini, Jacques Rivette, Jacques Rozier, Shirley Clarke, John Cassavetes et Maurice Pialat, répond celle, moins évidente peut-être, de Jean Rouch et de Johan van der Keuken, de Pascale Ferran et de Samuel Collardey. Sans ignorer le regard historique suscité par ces quelques noms, il sera question tout au long de ces pages des rapports entre technique et esthétique, des frontières poreuses entre documentaire et fiction, d'une possible origine théâtrale du travail de l'acteur improvisateur, de l'implication physique nécessaire à l'acte de création improvisé, et enfin du jazz comme performance filmée. «La vérité de nos engagements avec le monde importe, y compris nos engagements avec des objets et des manifestations artistiques» écrit Jerrold Levinson : en interrogeant les tensions entre le jaillissement improvisé et la nécessité d'une écriture maîtrisée, cet essai contribuera peut-être à la vérité de nos rapports avec le cinéma.
À propos de l'auteur :
Professeur en études cinématographiques et musique, Gilles Mouëllic enseigne le cinéma et le jazz à l'Université Rennes 2, où il est responsable avec Véronique Campan de la collection " Le Spectaculaire / cinéma " des Presses universitaires de Rennes. Outre de nombreux articles et conférences consacrés aux rapports entre la musique et le cinéma en général (et entre le jazz et le cinéma en particulier), il a codirigé plusieurs ouvrages collectifs et il est l'auteur notamment de Jazz et Cinéma (Cahiers du cinéma, 2000), le Jazz, une esthétique du XXe siècle (Presses universitaires de Rennes, 2000), la Musique de film (Cahiers du cinéma-SCEREN-CNDP, 2003), ainsi que d'un recueil d'entretiens: Jazz et Cinéma. Paroles de cinéastes (Séguier-Archimbaud, 2006). II a codirigé à l'automne 2010, avec Jean-Pierre Criqui, le numéro 112-113 des Cahiers du Musée national d'art moderne (Centre Pompidou), numéro intitulé " Le cinéma surpris par les arts ".
Extrait :
Extrait de l'introduction
Bien avant de susciter l'intérêt de nombre de créateurs du XXe siècle, l'improvisation fut associée à des pratiques populaires et ludiques du théâtre (les «jeux» ou les «mystères» du Moyen Âge, qui précèdent la Commedia dell'arte), puis liée à la musique avec le verbe «improviser», défini au XVIIe siècle par «composer sur-le-champ et sans préparation». Cet ancrage musical a contribué à affirmer l'improvisation en tant que «fait poétique absolu», comme l'écrit le philosophe Christian Béthune, affirmation conforme à la pensée occidentale qui s'est peu à peu fondée sur les notions d'œuvre et d'artiste. Si le XIXe siècle glorifie le génie romantique, il marque aussi la séparation décisive entre le compositeur et l'interprète, manière de proclamer la supériorité de l'écrit sur l'invention dans l'instant, le musicien perdant toute prérogative sur la composition en devenant l'exécutant d'une œuvre qui lui préexiste. L'improvisation est alors assimilée aux démonstrations de virtuosité qui font le bonheur des salons : les grands compositeurs sont parfois d'excellents improvisateurs, mais c'est bien par la partition qu'ils s'affirment en tant que créateurs.
«Tout marginalise l'improvisation, soutient Jean-François de Raymond dans un des rares essais à lui être consacrée, les actes qui passent pour inachevés, les esquisses. Sans ancêtres, généalogie ni archives, elle ne transmet, ne continue ni n'explique rien.» Cela ne l'empêche pas, tout au long du XXe siècle, de faire l'objet d'une remarquable attention dans une grande diversité de pratiques artistiques, avec des fortunes diverses : exploration de nouvelles potentialités du corps dans la danse ou le théâtre, fascination pour le geste dans la peinture ou la sculpture, confiance dans la part de spontanéité de l'écriture «automatique» chère aux surréalistes, goût pour l'imprévu dans les happenings des plasticiens, la liste est longue et ne manque pas d'entretenir une certaine confusion, jointe à une légitime méfiance face aux expériences plus ou moins abouties de créations instantanées. Seul le jazz, qui a précédé et inspiré nombre de ces tentatives, semble ignorer ces doutes : sans autre projet que celui déjouer ensemble, des musiciens adeptes d'un folklore noir de La Nouvelle-Orléans imposent sur toutes les scènes occidentales des «pratiques inventives immédiates» et confirment avec éclat les potentialités créatives de l'improvisation.
Voir le site internet de l'éditeur Yellow Now
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