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Du bonimenteur à la voix-over

Voix-attraction et voix-narration au cinéma

de Alain Boillat

Type
Etudes
Sujet
Théorie
Mots Clés
voix, dialogues, théorie, analyse, Sacha Guitry, James Whale, Max Ophüls, Alain Resnais
Année d'édition
2007
Editeur
Antipodes
Collection
Médias et Histoire
Langue
français
Taille d'un livre de poche 11x18cmTaille relative de ce livreTaille d'un grand livre (29x22cm)
Taille du livre
Format
Broché • ? pages • 33,00 €
13,5 x 20,5 cm
ISBN
978-2-940146-96-3
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Description de l'ouvrage :
Du bonimenteur à la voix-over propose une réflexion historique et théorique sur la place et la fonction conférées à la voix, manifestation sonore foncièrement humaine, au sein du médium machinique qu'est le cinématographe. En s'interrogeant d'abord sur l'accompagnement verbal qu'offrait un locuteur live (le «bonimenteur») à l'époque du cinéma des premiers temps, cet ouvrage rend compte des spécificités de l'oralité du cinéma parlé, puis confronte la médiation qui s'opère au sein de ce dispositif aux principes de la voix enregistrée, notam­ment en ce qui concerne le cas emblématique de la voix-over, étudiée ici dans ses implications narratologiques et énonciatives. Ainsi se dessinent deux grands axes qui permettent de renouveler la compréhension des phénomènes vocaux au cinéma en associant la prise en compte du texte (approche sémiologique) et du contexte (approche historique). À travers l'examen de la voix-over et des discours qui lui ont été consacrés, l'auteur élabore un modèle inédit de renonciation au cinéma qui intègre la question de la matérialité de la voix et de son enregistrement. Par ailleurs, en abordant de façon systématique les modes de synchronisation et les relations sémantiques qui s'instaurent entre les mots et les images, il conçoit des instruments pour l'analyse filmique qu'il applique à certaines œuvres singulières du point de vue du régime vocal, telles que Le Roman d'un tricheur (Guitry), La Fiancée de Frankenstein (Whale), Lola Montés (Ophuls) ou Hiroshima mon amour (Resnais).

À propos de l'auteur :
Docteur es lettres, Alain Boillat est maître-assistant à la Section d'histoire et esthétique du cinéma de l'Université de Lausanne. Il est le fondateur de la revue Décadrages et l'auteur de La Fiction au cinéma (L'Harmattan, 2001), ainsi que de divers articles sur le cinéma et la bande dessinée qui portent principalement sur des questions narratologiques.

Extrait :
III. LE «BONIMENT» OVER DU ROMAN D'UN TRICHEUR

III. 1 UN USAGE SINGULIER DE LA VOIX

Sorti en 1936, Le Roman d'un tricheur de Sacha Guitry est un film tout à fait symptomatique de l'absence de standardisation qui caractérise la période de l'«interrègne», dont cette œuvre représente en quelque sorte le chant du cygne. Cette même année, Charlie Chaplin, figure emblématique de la résistance à l'institutionnalisation du cinéma parlant, réalise le dernier de ses films qui échappent au «100% talkie», Les Temps modernes (Modem Times, 1936). La fin des années 30 verra la généralisation d'une intégration normalisée de la voix au film, majoritairement cantonnée au synchronisme vocolabial strict ou à une forme «classique» de voix-over qui, dans le cinéma hollywoodien, connaît un véritable essor à partir de 1939. Or l'usage de la voix-over dans le film de Guitry se distingue radicalement de ces pratiques qui sont en passe de devenir dominantes, quand bien même le cinéaste français est fréquemment considéré comme «l'inventeur» du procédé. Le Roman d'un tricheur établit plutôt une filiation entre le boniment du «cinéma» parlé et les voix non synchrones (mais synchronisées) du parlant. En dehors de certaines productions de la Nouvelle Vague française réalisées une trentaine d'années plus tard - et l'on sait l'intérêt que portaient Truffaut et Resnais au film de Guitry, on ne retrouvera guère une telle liberté dans l'utilisation de la voix-over que dans des pratiques marginales, par exemple dans le cinéma d'animation ou dans des films où la voix est considérée comme un ajout ultérieur, et non comme une donnée consubstantielle de l'œuvre originale. Il en va par exemple ainsi des versions à voix-over de La Ruée vers l'or (Gold Rush, Charlie Chaplin, 1925), qui connaît en 1942 une ressortie comprenant un commentaire rédigé et proféré par le cinéaste lui-même, ou de la «voix-over de traduction» de Man about Town, version du Silence est d'or de René Clair (1947) destinée à un public anglophone (Maurice Chevalier y intervient en tant que narrateur pour conter les principaux événements en anglais, les acteurs visualisés n'étant pas doublés). René Clair, dont la réflexion sur le parlant au moment de sa généralisation et les tentatives d'exploiter dans sa pratique de cinéaste tout le potentiel du cinéma sonore ont marqué le milieu cinématographique de l'époque, déclarait à la fin des années 50, à propos du projet qu'il avait nourri une trentaine d'années auparavant (notamment dans Le Million) d'introduire au cinéma le «monologue intérieur» :

«Quand, plus tard, apparut Le Roman d'un tricheur, je com­pris que j'avais eu tort de ne pas persévérer. Sacha Guitry avait inventé de son côté le principe du commentaire sans avoir jamais entendu parler de ma tentative et, en quelque sorte, par hasard. [...] Paradoxalement, c'est peut-être par une sorte de méconnaissance du cinéma que Sacha Guitry fit son chef-d'œuvre cinématographique.»

On constate qu'en dépit de sa volonté de diminuer les mérites d'un cinéaste qu'il associe encore, probablement avec quelques res­sentiments, à un discours de valorisation du théâtre par rapport au cinéma, René Clair n'hésite pas à souligner le caractère novateur du film de Guitry. Il paraît néanmoins difficile de qualifier d'«invention» la réactualisation d'un type de rapport entre l'image et le verbe qui, somme toute, résulte simplement de la fixation phonographique de ce boniment auquel René Clair avait pu assister au début des années 10, et qu'il met en scène dans la séquence inau­gurale du Silence est d'or. Certains critiques contemporains du Roman d'un tricheur n'ont d'ailleurs pas manqué de souligner com­bien la voix-over du film de Guitry s'inscrivait dans la filiation de pratiques antérieures : le chroniqueur de la revue Caméra écrit par exemple que le «film [est] muet car les acteurs se taisent, parlant peu car M. Sacha Guitry discourt du commencement à la fin... La formule n'est pas neuve : il raconte un film muet», tandis que Bardèche se demande dans L'Assaut si «ce commentaire continuel» n'est pas «autre chose que l'ancien sous-titre».

Voir le site internet de l'éditeur Antipodes

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